L' habitation de Québec :
une page
d'archéologie historique
par Françoise
Niellon
Le choix du site
La pointe de Québec :
un environnement favorable à l'habitat
En juin 1603, Champlain avait mouillé l'ancre devant la pointe
de Québec et apprécié le site : c'est « un
destroict de la ditte rivière de Canadas [...] Il y a à ce
destroict [...] une montaigne assez haulte, qui va en abaissant des deux
costez; tout le reste est pays uny et beau, où il y a de bonnes
terres pleines d'arbres [...]; qui faict qu'à mon opinion, si
elles estoient cultivées, elles seroient bonnes comme les nostres.
»
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Fig. 3 - La pointe de
Québec
"A" : « Le lieu ou l’habitation est bastie. »
Carte gravée sur cuivre
(15,2 x 24,8 cm)
Tirée de Samuel de Champlain, Les voyages du sieur de Champlain
[...],
Paris, Chez Jean Berjon, 1613.
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Cinq ans plus tard, il n’a pas changé d’avis. Partant de
Tadoussac, il se dirige tout droit vers Québec, « [...]
où estant, je cherchay lieu propre pour nostre habitation, mais je
n'en peu trouver de plus commode, ny mieux situé que la pointe de
Quebecq [...] »
Pour les archéologues, plus concrètement, la pointe de
Québec est une basse terrasse où se sont accumulés des
débris schisteux provenant du cap Diamant et remaniés par les
eaux. Sur ces débris s’est formé peu à peu un humus de
plus en plus riche et, finalement, un couvert arboré. Le tout
constituait une sorte de petite butte descendant en pente douce vers la
ligne de l'estran.
Sur cette butte, des groupes amérindiens ont campé, de
façon sporadique mais assez continue, pendant près de vingt
siècles. Des traces de leur occupation remontant au Sylvicole moyen
ancien (vers 400 av. J.-C. à 500 ap. J.-C.) et s'étalant
jusqu'au Sylvicole supérieur (1000-1534 ap. J.-C.) ont
été mises au jour. Cependant, le lieu n'était sans
doute jugé propice qu'à des haltes estivales de courte
durée. Les indices de passage aprés 1200 environ se
raréfient, et vers 1600 la pointe de Québec n'est sans doute
plus utilisée par les Amérindiens.
L'analyse des restes végétaux recueillis atteste la
présence sur les lieux d'une flore plus variée que ne le
signale Champlain en 1608. Selon lui, la place qu'il fait défricher
pour bâtir « estoit remplie de noyers et de vignes ». Les
Amérindiens avaient utilisé comme combustible dans leurs
foyers du noyer cendré, mais surtout du sapin, du hêtre, de
l'érable à sucre, du frêne noir et diverses
espèces de bouleau. Des échantillons de sol
prélevés ici et là sur le site attestent qu'y
croissaient en outre plusieurs types d'arbustes, de la vigne certes, mais
aussi du cenellier, du sureau rouge, du merisier et de la salsepareille.
La pointe de Québec :
un lieu bien situé pour le commerce
Champlain a fait valoir à Du Gua de Monts les atouts du
Saint-Laurent : la traite y sera plus considérable qu'en Acadie,
« terroir peu peuplé de Sauvages », et plus facile
à défendre contre les concurrents. De la pointe de
Québec en particulier, on pourrait aisément par le fleuve
pénétrer loin dans les terres, « où sont nombre
d'habitans sedentaires ». On y est proche des Trois-Rivières,
rendez-vous de traite déjà bien établi, et on peut y
atteindre l’Acadie par la « Rivière bruyante (la
Chaudière) qui va aux Etechemains » (fig. 3, M).
Les Amérindiens qui fréquentent la région
à cette époque sont de langue algonquine; c’est à eux
que l’on doit le toponyme Québec, désignant le
rétrécissement du fleuve. Ils pêchent sur les battures
environnantes (fig. 3, T), en particulier l'anguille à l'automne. Ces
Amérindiens sont déjà des habitués de la traite,
mais le Saint-Laurent permettra bientôt d'atteindre, à l'ouest,
des peuples jusqu'alors inconnus.
Si Québec permet effectivement d’empêcher les
concurrents de remonter le fleuve, il est néanmoins facile de
contrôler l’accès à l’habitation par l'aval et
donc d'en couper l'approvisionnement. Aussi, vingt ans plus tard, c'est par
la disette, et non par les armes, que les Anglais s'en rendront
maîtres. Pour ne pas être vaincu par le canon, Champlain a
dû veiller constamment à fortifier le site.
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Fig. 4 - La première
habitation de Québec (1608)
Gravure tirée des Voyages
du sieur de Champlain, 1613
Photo : Bibliothèque nationale du Canada
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