Le territoire
La région de Beaufort
(première partie)
par
David Morrison
Conservateur des collections des T.N.-O.
(District de Mackenzie)
Musée canadien des civilisations

L'Arctique tire son nom du mot grec arctos qui signifie ours, car cette région est située sous la Grande Ourse. Pour le géographe moderne, elle peut se définir de deux façons. L'une prend une connotation astronomique, car le cercle arctique, à 66 degrés 30 minutes Nord, correspond à la latitude la plus basse où le soleil brille 24 heures sur 24 au solstice d'été. En d'autres mots, l'Arctique est le pays du soleil de minuit. L'autre façon revêt une connotation végétale; l'Arctique se situe au nord de la limite des arbres, dans une région où les températures estivales sont trop froides pour permettre la croissance des arbres. Des deux définitions, seulement une, celle qui revêt une connotation végétale, est appropriée à la région de la basse vallée du Mackenzie. Le Cercle Arctique passe par des territoires boisés, au sud d'établissements subarctiques comme le Fort MacPherson et Tsiigehtchic (autrefois Arctic Red River). La limite des arbres se trouve plus au nord, atteignant la région des marées dans la branche occidentale du Mackenzie, et même les hauts lacs Eskimo. Au nord se trouve l'Arctique, le pays des Inuvialuit.

La physiographie

L'extrémité la plus occidentale de l'Arctique canadien est divisée en deux par le fleuve Mackenzie (Mackay 1963). À l'ouest, dans le nord du Yukon, s'étirent les austères montagnes de Richardson et leur piedmont, prolongation la plus nordique des Rocheuses se rendant presque à la mer. En face d'eux se trouve une plaine côtière, basse et étroite, coupée par quelques rivières à débit rapide comme la Firth, la Babbage, et la Blow. À l'est du Mackenzie se trouve la péninsule de Tuktoyaktuk, basse et parsemée d'étangs, limitée au sud par les lacs Eskimo (Rampton 1988). Ces soi-disants lacs sont en fait un bras de la mer qui pénètre à l'intérieur depuis la baie de Liverpool à l'est et qui se rend non loin du fleuve Mackenzie. Des avances de glaciers y ont laissé des vestiges de la période glaciaire sous forme d'élévations allongées s'avancant des rives pour former plusieurs bassins, créant l'impression de lacs.

À l'est des lacs, la rivière Anderson, la deuxième en importance dans la région, coule vers le nord dans la baie Wood au pied de la péninsule du Cape Bathurst, pointe en forme de pouce qui empiète vers le nord sur la mer Arctique (Mackay 1958). La péninsule est en grande partie drainée par la rivière Horton, la rivière navigable la plus septentrionale du continent nord-américain. Autrefois, la Horton coulait vers le nord et vers l'ouest pour se jeter dans la baie Harrowby sur le côté ouest de la péninsule de Cape Bathurst. Mais il y a quelques centaines d'années, elle a défoncé un barrage que formaient des basses collines d'alluvions à l'est. Maintenant elle se déverse dans la baie de Franklin, laissant une série révélatrice de méandres stagnants qui marquent son ancien lit (Mackay 1981). Les collines alluviales qu'elle traverse font partie des célèbres Smoking Hills, à forte teneur de soufre et d'autres matériaux combustibles qui brûlent à différents endroits depuis des milliers d'années (Mathews and Bustin 1982; Yorath et al. 1975).

Exception faite des montagnes de Richarson et des Smoking Hills, presque tout l'ouest de l'Arctique canadien est comparativement plat et bas, recouvert de dépôts épais d'alluvion. Ce n'est nulle part aussi vrai que dans le delta du Mackenzie même, vaste marais situé à quelques mètres à peine au- dessus du niveau de la mer, parsemé d'étangs et traversé par des ruisseaux aux méandres innombrables (Mackay 1963). Pour un voyageur d'été, il présente un labyrinthe presque inextricable où seuls les habitués de longue date peuvent trouver leur chemin. Inuvik, la ville la plus grande de la région, et Aklavik, la plus ancienne, se situent toutes les deux sur ou dans le delta, partiellement parce que le piégeage au rat musqué y est excellent. Mais les autres ressources animales sont faibles de telle sorte que le delta du Mackenzie était peu occupé jusqu'à l'avènement de l'industrie du piégeage à la fin du dix-neuvième siècle.

Le climat

La région a un climat typique du bas Arctique (Mackay 1963: 153- 163). Les étés sont courts et frais quoique, près de la limite des arbres, les températures de 30 degrés centigrade soient possibles. Vers le début de septembre, l'été est vraiment fini et, la nuit, les températures baissent sous le point de congélation. Le gel survient à la fin d'octobre, et les températures en janvier et février atteignent typiquement -35 degrés centigrade ou davantage. En mai le fleuve Mackenzie commence à dégeler, même si la côte est encore couverte de glace. À l'intérieur des terres, les lacs Eskimo et plusieurs autres grandes nappes d'eau sont habituellement recouverts de glace jusqu'à la fin de juin. En hiver, il n'y a plus ou pas de clarté depuis la fin de novembre jusqu'à la fin de janvier, alors qu'en été on peut lire à l'intérieur d'une tente à minuit sans lumière artificielle.