Sommaire de la campagne archéologique de 1988
par
Jean-Luc Pilon
Archéologue du PIPGN
Musée canadien des civilisations

Résumé de la campagne archéologique de 1988

Les activités de terrain du PIPGN en 1988 furent très modestes comparativement aux années précédentes. Cependant, grâce à la Commission archéologique du Canada, nous avons pu faire d'autres puits de sondage dans deux gisement découverts en 1987 (NbTj-3 et NbTj-8) au lac Hyndman. De plus, nous avons poursuivi la reconnaissance des environs du lac Hyndman et de deux lacs en amont de ce dernier. Sur 19 emplacements examinés, 17 témoignaient d'occupations humaines, dont une peut être attribuée à la Tradition microlithique de l'Arctique. D'autre part, les fouilles à NbTj-8 livrèrent, entre autre, un assemblage de la Tradition microlithique de l'Arctique en association avec un foyer daté au C-14 à 3390±255 B.P. Ailleurs au lac Hyndman, au gisement NbTj-3, nous avons confirmé le débitage de lames et de microlames sans pour autant pouvoir attribuer la collection à une tradition culturelle en particulier.

Les objectifs de la campagne archéologique de 1988

La campagne archéologique de 1988 a été une version considérablement réduite de celle qui aurait normalement été entreprise par le projet archéologique dans le cadre du Programme d'initiatives pétrolières et gazières du Nord (PIPGN). À partir de Mars 1989, aucune décision n'avait été prise quant à la poursuite ou à l'abandon du PIPGN. Cette indécision menaçait non seulement l'avenir du programme, mais tout le travail qui avait été accompli à date. La décision éventuelle de ne pas amener la recherche à terme tel que planifié signifiait que beaucoup de données compilées dans la première partie du programme demeureraient, en grande partie, sans analyse et ne serviraient certainement pas les but pour lesquels elles avaient été originellement compilées. C'était dans cette perspective que la Commission archéologique du Canada a consenti à mettre à la disposition du Projet d'archéologie de PIPGN les fonds requis pour lui permettre de compiler des renseignements clefs susceptibles de jeter un meilleur éclairage sur certains problèmes archéologiques dans et par conséquent de les récupérer pour fins de recherche archéologique.

Même en travaillant avec une marge de manoeuvre financière grandement réduite, la liste provisoire d'activités pour la saison de fouilles de 1988 a été néanmoins considérable. Le premier but était de poursuivre la fouille de la Structure No.1 de NbTj-8, commencée en 1987. Le pergélisol et l'eau de surface avaient grandement gêné ces premières brèves fouilles exploratoires. Nous espérions donc atteindre la couche d'occupation durant les fouilles de 1988 et clarifier quelques questions concernant la stratigraphie, la charpente et le plancher de la structure.

On doit se rappeler qu'une seconde couche d'occupation avait été identifiée à NbTj-8, associée à l'horizon de sol enseveli par la construction et l'affaissement de la maison semi-souterraine. On avait besoin d'obtenir un échantillon représentatif des objets reliés à cette occupation antérieure qui, croyait-on, pouvait être assignée à la Tradition microlithique de l'Arctique.

On désirait aussi tester un second site sur le Lac Hyndman qui suggérait la présence d'une industrie de microlames. NbTj-3 semblait en 1987 couvrir une très grande étendue et les puits de sondage faits à la pelle indiquaient une concentration relativement importante d'objets.

Il fallait aussi faire la reconnaissances de quelques secteurs du lac Hyndman que nous n'avions pu visiter en 1987 ainsi que des deux grands lacs en amont et directement au sud du lac Hyndman.

Depuis la première saison de fouilles du projet archéologique du PIPGN en 1985, nous voulions retourner sur le site découvert, à l'embouchure de la rivière au Tonnerre, par J. Millar et W. Noble 1973. À cet endroit, une intéressante collection d'objets, comprenant de grands bifaces et des déchets de taille de la pierre, avait été récupérée, mais sauf quelques brefs commentaires et deux photographies dans un compte-rendu de 1975, les objets n'étaient pas encore disponibles pour fins d'analyse. Il y avait une autre raison, plus pressante, pour désirer visiter l'embouchure de la rivière au Tonnerre. En 1986, un grand feu de forêt avait complètement ravagé la région. Le personnel des Ressources renouvelables d'Inuvik avait indiqué que les pentes étaient sérieusement soumises à l'érosion du fait que le feu avait perturbé le pergélisol et avait détruit la plupart de la végétation de surface. Nous étions donc très impatients de déterminer l'importance des dommages que pouvait avoir subis le site depuis sa découverte en 1973. Une autre raison pour visiter la région consistait à essayer de localiser le site de Fort Good Hope, érigé dans le voisinage durant les années 1820 et qui avait été visité par John Franklin en 1825.

Les activités de la campagne archéologique de 1988

Bruce Jamieson et Jean-Luc Pilon quittèrent Ottawa tôt le 22 juin au matin, 1988. À Yellowknife, nous avons rencontré Ken Stark, un étudiant de maîtrise à l'université Simon Frazer, et nous arrivâmes éventuellement à Inuvik tôt dans la soirée du même jour. Plus tard, Verna Mae Firth d'Inuvik et Willie Simon d'Arctic Red River se joignirent à nous.

Nous sommes demeurés à Inuvik jusqu'au samedi, 25 juin. Entre-temps, nous faisions le tris de littéralement une montagne d'équipement que le projet archéologique du PIPGN avait accumulé dans l'entrepôt du Centre de ressource d'Inuvik au cours des trois saisons de fouilles antérieures. Une fois notre équipement mis de côté et les provisions achetées, nous avons envoyé deux chargements d'équipement en Cessna 206 au lac Hyndman le 25 et nous avons complété la tâche d'installer notre campement le 26 juin. Notre camp a été établi sur la pointe où NbTj-8 avait été localisé au cours de la saison de fouilles de 1987. Cet endroit était non seulement un site favorable au campement et offrait un accès facile à la large structure semi-souterraine de NbTj-8, mais encore se trouvait à une course de 20 minutes en Zodiac de NbTj-3, un autre site qui nous espérions tester cet été dans le secteur oriental du lac Hyndman. Une reconnaissance de deux grand lacs en amont et directement au sud du lac Hyndman a été faite par Willie Simon et Jean-Luc Pilon entre le 8 et le 12 juillet, 1988. Notre camp du lac Hyndman a été démonté et l'équipement retourné à Inuvik le 24 juillet.

Une tâche aux proportions plutôt impressionnantes nous attendait à Inuvik. Puisque la possibilité que le PIPGN soit mis sur les tablettes de façon permanente apparaissait plausible, il était impératif que l'équipement, qui avait été utilisé dans les saisons de fouilles antérieures par trois équipes indépendantes, soit préparé en vue de son transport éventuel à la Commission archéologique du Canada à Hull. Cependant, si PIPGN était prolongé, alors ceux qui continueraient le travail devaient savoir exactement la nature de l'équipement était disponible et dans quel état il se trouvait à Inuvik. À la fin des saisons précédentes, les efforts destinés à compiler ces renseignements comprenaient habituellement des renseignements tel que "équipement de cuisine" sans autre détail sur ce matériel. On a aussi trouvé que certains articles avaient été déposés dans des boîtes mais sans précaution, alors que d'autres n'apparaissaient sur aucune liste parce qu'on avait cru qu'ils appartenaient à une autre équipe de terrain. Même si nous avions alloué une semaine pour ce travail -- entre notre retour à Inuvik le 24 juillet et notre départ pour Ottawa le 1er août -- on a réussi à produire une liste complète des pièces d'équipement disponibles mais nous n'avons pas eu le temps de réorganiser ce matériel en des piles cohérentes d'appareils.

On a examiné deux endroits dans la région de la rivière au Tonnerre le 28 juillet, suite à notre retour à Inuvik.

Remerciements

La saison de fouilles décrites dans ce compte-rendu a été très productive et fournira, on l'espère, les éléments d'une évaluation de la préhistoire locale qui reposera sur les vraies ressources de la région plutôt que sur des extrapolations exagérées. Le succès du travail de cet été est dû en grande partie aux efforts des stagiaires qui comprenaient Bruce Jamieson (Ottawa), Verna Mae Firth (Aklavik), Ken Stark (Vancouver) et Willie Simon (Arctic Red River). Ensemble on a eu du bon temps et on a accompli beaucoup.

Même si Jane Dale est demeurée à Hull pour compléter certains projets à long terme sur lesquels elle travaillait, elle était impatiente de nous rejoindre en campagne et de nous aider aux préparatifs de l'expédition et au catalogage.

Un autre élément important de la campagne archéologique de l'été a été, bien sûr, l'appui financier de la Commission archéologique du Canada. Les rumeurs concernant l'avenir du PIPGN étaient relativement positives avant l'été. La CAC décida de combler le fossé financier pour une saison réduite dans l'espérance que les fonds seraient disponibles à l'automne et seraient remboursés. Il arriva que la décision de l'avenir du PIPGN n'a pas été prise et ne sera probablement jamais prise. Le programme de recherche, qui répondait à des préoccupations exprimées par la Commission Burger et le Groupe de Travail sur l'environnement de la mer de Beaufort, a été abandonné à son fatal destin au milieu de sa carrière après sept années de vie. Même si on a amassé beaucoup de données, les objectifs du programme n'ont pas tous été atteints. C'était le but de la deuxième partie du projet. Seule l'initiative des individus permettra à ces données de voir la lumière du jour et les épargnera d'un destin qui attend un trop grand nombre de rapports gouvernementaux. Éventuellement, les développements pétroliers et gaziers que PIPGN était supposé anticiper auront lieu. En fait, dans les derniers mois, Esso and Gulf ont fait une demande pour un permis d'exportation de gaz naturel depuis le delta de Mackenzie jusqu'aux marchés américains. Avec un gouvernement conservateur nouvellement ré-élu, on anticipe l'engagement en faveur d'un intérêt renouvelé et plus urgent en faveur du genre de travail commencé par PIPGN. Si non, une fois le personnel spécialisé dispersé, on est en droit de s'attendre à ce qu'on découvre la roue encore une fois.